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jeudi 7 janvier 2016

Juste avant l'oubli

Aujourd'hui, je vous parle de Juste avant l'Oubli d'Alice Zeniter, un roman que j'ai lu à la fin de l'année dernière et qui m'a énormément plu.

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Le roman commence alors que Franck rejoint Emilie sur Mirhalay, un île perdue des Hébrides écossaises. Celle-ci vient de commencer une thèse sur Galwin Donnell, un auteur de polar très réputé autour de la mort duquel plane encore aujourd'hui un mystère qui ne manque pas d'abreuver les théories des chercheurs. Tous les trois ans se tiennent sur Mirhalay, l'ile où l'écrivain a vécu et disparu, des Journées d'Etudes consacrées à l'auteur. Au cours de celles-ci, les intellectuels se font mousser autour de diverses théories et analyses qui n'ont pour seul but que d'étoffer leurs égos respectifs.

En nous racontant l'histoire de Franck et Emily, Alice Zeniter dresse une toile de réflexions sur le couple, les relations humaines, et notamment cette idée selon laquelle l'être humain a besoin d'un "témoin" à sa vie afin d'en faire quelque chose de tangible - une idée qui prend encore davantage son sens dans le succès que connaissent aujourd'hui les réseaux sociaux. Elle nous parle aussi de la solitude, des obsessions de certains qui deviennent les cauchemars des autres, du statut de l'écrivain et celui de lecteur, sans oublier le milieu universitaire et ses préoccupations parfois vaines dont elle tire un portrait délicieusement amer. Les nombreux sujets abordés ainsi que sa construction unique font de Juste avant l'Oubli un roman difficile à classer.

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Le roman se partage en effet entre toute une série d'éléments différents qui s'imbriquent et se font écho les uns aux autres. L'auteur nous parle d'un couple en fin de vie, mais aussi de la vie insulaire et des réalités les plus bouleversantes que celle-ci implique. Elle nous plonge dans des interviews factices d'un écrivain qui n'a jamais existé, écrivain dont elle cite à de nombreuses reprises des passages de romans. Mirhalay sort elle aussi de l'imagination de l'auteur. Pourtant au fur et à mesure qu'on avance dans notre lecture, on y croit. On y croit tellement qu'on se surprend à s'interroger sur l'exacte position de cette île à l'histoire glaçante, et à se dire qu'on aimerait nous aussi nous faire notre propre idée sur l'univers de Galwin Donnell. Peut-être est-il publié chez Babel Noir ? Le livre emprunte même parfois le genre des romans de Donnell en adoptant à plusieurs reprises des allures de polar. Savoureusement inclassable.

Le ton est audacieux et désabusé, noirci pile comme je l'aime. Les réflexions apportées par l'auteur ne laissent certes pas beaucoup de blancheur à l'âme humaine, mais c'est surtout une forme d'honnêteté qui ressort de notre lecture. Comme une volonté de nous donner des pistes plutôt que de pointer honteusement du doigt. C'est subtil, savoureux et particulièrement novateur. Et c'est parfait pour cette période grise et pluvieuse.

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Un court passage que j'aime beaucoup :

Il comprit pourquoi Jock, écrasé par la magie de Mirhalay dont il se sentait le seul dépositaire, n'avait jamais pu se décider à abandonner cet endroit. Il comprit, enfin, à quel point la vie ici avait pu être une prison pour le gardien et sa famille du seul fait que l'ailleurs n'offrait rien de comparable.

1 commentaire:

Shelbylee a dit…

Je n'en avais pas entendu parler, mais maintenant je suis très tentée ! Il a tout pour me plaire.