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vendredi 12 février 2016

Very Good Lives


Voici un très joli petit livre reprenant le discours que J.K Rowling a donné à l'Université d'Harvard en 2008. La mise en scène plus qu'originale ainsi que la charte de couleurs rouge, noire et blanche rendent justice à la beauté du discours donné par la célèbre écrivaine.

Celui-ci est articulé autour de deux axes essentiels: les bienfaits de l'échec et l'importance de l'imagination, et bien sûr sur la façon dont ceux-ci se répondent et se complètent. 

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En quelques lignes, l'auteur parle un peu d'elle-même, de sa philosophie de vie et de ce à quoi elle attache de l'importance afin de donner aux étudiants plusieurs pistes de réflexion pour leurs vies futures. On se délecte de son humour discret mais qui fait mouche, ainsi que des petites références à l'univers de notre sorcier préféré qui ne pourront que vous faire sourire. Je vous en aurais bien retranscrit quelques passages, mais je pense que ça vous gâcherait le plaisir de la découverte, alors je vais simplement reprendre la phrase qui apparait au dos de la couverture du livre comme titre pour mon billet, en espérant que ces quelques mots vous donneront l'envie de vous y plonger. A lire et à relire. Souvent. 

We do not need magic to transform our world ; 
we carry all the power we need inside ourselves already.

★★★★| Very Good Lives, J.K. Rowling, Sphere, 2015, 80 p. Lu en anglais. Pas de traduction française à ce jour.

lundi 8 février 2016

L'orage rompu


L'année dernière, j'ai découvert La plage d'Ostende de Jacqueline Harpman et ce fut une révélation. J'ai adoré ce roman de bout en bout, en me délectant de chaque passage, et me faisant retomber amoureuse encore et encore de la merveilleuse langue française, tellement riche et savoureuse sous la plume d'Harpman. Et j'ai retrouvé ce plaisir littéraire avec L'orage rompu. Ce court roman écrit à la première personne nous raconte l'histoire de Cornélie, une femme d'âge mûr venant d'assister aux funérailles de son ex-mari à Paris. Alors qu'elle débute son récit, elle se trouve dans le train qui la ramène à Bruxelles. Elle vient d'y faire la connaissance d'Henri, son voisin de table au sein de la voiture restaurant. Une complicité nait entre eux, et ils se retrouvent à parler de leurs vies respectives de façon plus ou moins intimes.


En confiant tout un tas d'anecdotes sur son enfance, son adolescence ou encore sa vie de femme, Cornélie passe sa vie en revue, les moments importants de son existence, les choix dont elle sait avec le recul qu'ils ont été décisifs; mais aussi les évènements et personnes qui ont fait partie de sa vie à un moment donné et qui l'ont marquée de leur empreinte. L'occasion pour l'auteur de disséquer le psyché de son héroïne en lui offrant, ainsi qu'au lecteur, toutes les clés de lecture nécessaires. Elle la confronte à ses propres contradictions, et à ses désirs. Cornélie nous parle en toute franchise de ses peurs, de ses insécurités de femme, de mère, d'ex-épouse ou d'amante, en apportant une réflexion à la fois directe et poétique sur ses sentiments. On y découvre les traits d'une femme qui se sent souvent indécise et faible, mais qui se révèle au fil des pages extraordinairement forte et touchante.
"Derrière les images familières qui forment le décor apparent de cette scène intérieure que nous nommons notre histoire, un autre récit se cache, silencieux et pathétique, gonflé par les aveux qui n'ont pas été faits, les regrets qui n'ont pas été dits, les chagrins dissimulés par pudeur et que nous avons déchiffrés sans nous en rendre compte entre les regards qui se dérobaient et les sourires forcés de ceux que nous aimions."
Ce monologue nous est livré en un seul morceau, sous sa forme la plus brute. Les confidences de Cornélie nous permettent de retracer le cheminement de sa pensée, la façon dont les évènements formateurs de son existence et de sa personnalité l'ont conduite à prendre la décision qu'elle va prendre à la fin du roman. L'auteur se concentre sur tous ces petits souvenirs et ressentis auxquels fait appel notre mental lorsqu'il est confronté à ce genre de situation où l'on sent que tout ce qu'on a connu jusque là ne tient plus qu'à un fil. Quels sont ces mécanismes psychologiques qui s'enclenchent et qui nous poussent d'un côté ou de l'autre du précipice, nous faisant basculer entre la soumission au désir qui nous habite et la sécurité de l'acte manqué ?

C'est merveilleusement bien écrit. L'humour d'Harpman, vif et subtil, parsème son texte et nous fait aimer une héroïne qu'on aurait tout aussi bien pu détester. Si je regrette certains passages un peu longuets, le roman, pourtant dépourvu de chapitres, garde un certain rythme et cultive même un suspense dont la finesse n'égale que celle de la psychologie avec laquelle l'auteur tisse son texte. Je recommande sans hésiter.
"(...) ce regard qui ne me lâchait plus et qui provoquait en moi l'étrange transmutation. Mais est-ce soi ou l'autre qui change ? Et quelque chose change-t-il ? Ou cesse-t-on brusquement de lutter contre la transformation qui a eu lieu d'emblée, dès le premier instant, reconnaît-on que l'on a passé la ligne et déjà fait plusieurs pas de l'autre côté, quitté la tiédeur quotidienne, le climat étale de la quiétude dont on avait prétendu que c'était du bonheur ? Admet-on enfin que la tempête s'est levée et que les vagues sont fortes, le vent gonfle la voilure, on est en haute mer, il n'y a plus aucune terre en vue mais seulement les écueils mortels où l'on risque de se heurter, le danger des naufrages et la folie qu'il ne faut pas retenir, l'appel adorable des sirènes qui couvre la clameur des flots et ce trouble profond dont l'invasion est exquise, on en mourra peut-être, certainement, à coup sûr, mais qu'importe ! Vive la mort qui nous emporte triomphants dans les bras du plaisir, vive le déchaînement absolu, la perte de soi, l'oubli de toute réalité."