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mercredi 20 janvier 2016

Frances & Bernard (1)

17 janvier 2016, 14 heures.

Je suis plongée dans un roman épistolaire intitulé Frances & Bernard qui me plait énormément. Suivre la correspondance entre ces deux personnages est une vraie gourmandise littéraire; le style de Carlene Bauer est un régal. Un peu ampoulé parfois, mais pas suffisamment pour que ça ne devienne un défaut. Ca lui donne plutôt un petit plus, comme lorsque l'on cuisine, et que l'on rajoute une épice au dernier moment à notre préparation, et que l'on devine rapidement que la saveur du plat dépendait invariablement de ce geste.


J'en suis pour l'instant à la moitié et j'éprouve une admiration folle pour Frances, une jeune femme pleine d'énergie souhaitant devenir écrivain, ou plutôt souhaitant vivre de sa plume, car écrivain, elle semble déjà l'être. Frances rejette les conventions sociales et refuse entre-autres le mariage, soucieuse de garder sa liberté et de pouvoir cultiver comme bon lui semble cette solitude qui lui est si précieuse. Sa volonté est incomparable. C'est le genre de personnage dont on a l'impression qu'il peut tout faire, pourvu qu'il en ait décidé ainsi. Et c'est ce qui ressort de Frances. Ce qu'elle fera et la façon dont sa vie se déroulera seront les résultats de ses choix - du moins ceux sur lesquels elle peut exercer une certaine maîtrise.


Lors d'un atelier d'écriture, elle rencontre Bernard, poète et professeur à Harvard. Il a un petit côté manipulateur, qu'il tire probablement de l'assurance issue de son parcours professionnel et du milieu social dans lequel il a été éduqué. Il aurait pu rapidement nous agacer, mais Carlene Bauer donne au personnage plusieurs dimensions qui nous le rendent sympathique et touchant. D'autant qu'il ne rate pas une occasion pour se moquer de lui-même, sans que cela passe pour de la fausse modestie. C'est sa façon à lui d'exposer ses doutes et ses peurs.

Entre eux, une amitié intellectuelle se noue, pour ensuite évoluer vers quelque chose de plus tendre, et de plus précieux; une amitié sincère. La religion occupe une place importante dans les échanges entre Frances et Bernard, mais elle est abordée d'un point de vue intellectualisée, avec un recul qui en allège un peu la lourdeur. Cet aspect s'estompe par la suite pour ouvrir la conversation vers des sujets plus vastes, mais toujours avec une dimension intellectuelle. J'ai parfois eu l'impression de patauger face à certaines références, mais il en ressort toujours une idée intelligible de laquelle chacun comprend et retire ce qu'il souhaite.


Je pense que la grande qualité de l'auteur est d'avoir réussi à trouver le juste équilibre entre le côté énonciatif de certaines idées et celui plus humoristique des anecdotes personnelles. Pour l'instant, je me délecte de chacune de leurs lettres. Comme tout bon roman épistolaire, il est difficile de freiner la course. On a toujours envie de se plonger dans la lettre qui suit.

Je vous laisse sur un extrait qui m'a de suite fait apprécier le personnage de Frances. Il est assez drôle et évoque assez bien certains aspects de sa personnalité. Le passage arrive au cours des tous premiers échanges, pas de révélations majeures à craindre, donc.
"Je dois aussi ajouter qu'adolescente, j'ai eu le béguin pour Cary Grant, ce n'était pourtant pas mon genre de m'éprendre de vedettes de cinéma, mais plutôt celui de ma soeur, qui avait une photo de Tyrone Power sur sa commode. A vrai dire, Grant semblait sorti d'un roman plutôt que d'un studio d'Hollywood. Qu'est-ce qui fait son charme ? C'est un homme raffiné, qui peut glisser dans le ridicule sans que cela n'éclipse son raffinement. Bref, je serai franche : j'ai encore un faible pour Cary Grant. Il se pourrait qu'il soit le ciment dans ma relation avec ma tante Peggy. Elle dira à haute voix par-derrière son journal, comme si elle lançait une invitation à tous ceux qui sont dans la pièce et pas juste à moi : "On passe Elle et Lui au Riz." Ce à quoi je répondrai de derrière mon bouquin "A quelle heure ?" et  nous filerons illico vers le Ritz comme des femmes à qui l'on a dit que leur idole serait là en chair et en os."


2 commentaires:

Chicky Poo a dit…

Effectivement, ça a l'air drôlement sympa.
Et décidément, j'aime bien lire tes impressions au fur et à mesure, c'est moins définitif qu'un avis après lecture complète.
Et je pense que si j'avais lu ce livre, j'aurai l'impression de discuter avec toi en fait :)

Emy a dit…

@Chicky Poo, merci pour tes messages et ton soutien, tu es adorable ! Je suis bien contente que ce format te plaise :-)