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vendredi 29 janvier 2016

La couleur du lait


Comme promis, je vous parle ce soir de ce petit roman que je viens de terminer, un roman court et intense que j'ai adoré. Il s'agit de La couleur du lait de Nell Leyson dont j'ai vu des avis on ne peut plus positifs fleurir un peu partout sur la toile il y a quelques temps. A mon tour de me joindre aux louanges et de vous le recommander sans plus tarder. La couleur du lait raconte l'histoire de Mary, une jeune fille de quinze ans vivant au sein de la ferme familiale au coeur de la campagne anglaise. Elle et ses soeurs triment sous les ordres d'un père violet et autoritaire devant une mère qui reste impassible. Seul son grand-père infirme lui apporte un peu de joie au quotidien. Sa vie change du jour au lendemain lorsque son père l'envoie chez le pasteur Graham afin de l'aider à soigner et tenir compagnie à sa femme malade. Mary a conscience de la dureté de son quotidien, mais elle ne s'en plaint jamais. Pour elle, il s'agit de sa vie, et elle n'en voudrait pas d'autre.


Bien que fondamentalement revêche et opposée à son éloignement de la ferme, on devine facilement l'attachement que développe la jeune fille pour cette femme douce et à l'écoute. La maison du pasteur est un lieu d'émancipation et de découvertes pour Mary qui va y apprendre à lire et à écrire, mais aussi et surtout à découvrir tout un nuancier de sentiments jusque là méconnus. Cependant, elle ne reniera jamais sa famille et restera toujours profondément attachée à ses racines; si elle témoigne d'une curiosité palpable pour ces nouvelles habitudes qu'elle ne comprend pas toujours, elle reste fidèle à son sens critique et à la franchise dont la famille du pasteur semble s'amuser. Qu'importe la difficulté des épreuves qu'elle a eues à traverser à la ferme, elle en parle toujours avec nostalgie, et se plait à rêver de son retour parmi les siens. Car Mary ne se considère pas du tout comme quelqu'un de malheureux, et nous fait nous rendre compte par la même occasion de l'extrême subjectivité de la notion de bonheur, et notre enclin à juger un mode de vie selon nos exigences personnelles. Il y a une scène au début du roman que j'ai adorée, et qui nous montre la grande complicité qui l'unit à ses soeurs, même si elle n'en parle jamais directement. Un matin de Pâques, Mary court sur la colline en leur compagnie pour faire un voeu avant le lever du soleil. Il se dégage de la scène un sentiment si vivace que les jeunes filles envoient au diable les éventuelles conséquences de leur impulsivité (et croyez-moi elles sont loin d'être légères). Ou peut-être que son envie de retourner chez elle témoigne d'un autre sentiment, comme celui de la peur de s'habituer à une vie trop douce qui ne peut être par définition qu'éphémère... Cependant, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs, et on a tôt fait de comprendre grâce au procédé narratif que l'émancipation de Mary ne sera que de courte durée; elle lui aura tout au plus servi à nous livrer avec ses propres mots le récit de son tragique destin.


La couleur du lait est un roman court et dense qui ne laisse pas indifférent. Les mots choisis par l'auteur, la construction ainsi que le ton du roman participent à la création d'un personnage unique et si réel que l'on pourrait aisément croire que c'est bel et bien l'esprit vif et honnête de notre héroïne qui incarne la plume de l'auteur. Tout sonne incroyablement juste. C'est d'une beauté brute et sans équivoque. Et ce qui est certain, c'est que l'histoire de Mary n'est pas ce celles que l'on oublie.


mercredi 27 janvier 2016

Miss Buncle's Book

Le mois de janvier est long, et il n'est pas toujours facile de faire face à la grisaille et d'empêcher son humeur de flirter avec la morosité. Alors pour pallier à cette envie de légèreté et d'humour qui touche un peu tout le monde en ce moment, je vous propose de vous faire découvrir une de mes meilleures lectures de l'année dernière : Miss Buncle's book de D.E. Stevenson - un roman dont le corps et l'âme appartiennent sans aucune équivoque à un "genre" que je chéris particulièrement : la british comedy.


J'ai lu ce petit bijou d'humour il y a quelques mois maintenant, mais dès que j'y repense, je me surprends à sourire et à me rappeler avec plaisir de tous ces personnages hauts en couleurs, tous plus hilarants les uns que les autres.

Miss Barbara Buncle a une petite trentaine d'années, et réside dans le petit village de Silverstream, au sein d'un cottage confortable en compagnie de sa bonne. Ses rentes se font de plus en plus maigres, aussi décide-t-elle de tenter sa chance et d'envoyer le roman qu'elle vient d'écrire à un éditeur londonien. Mr Abbott en tombe immédiatement sous le charme et le roman ne tarde pas à faire son entrée à Silverstream. Il atterrit entre les mains de ses habitants qui s'y reconnaissent assez rapidement... Débute alors une chasse aux sorcières des plus truculentes afin de révéler l'identité de ce mystérieux John Smith, pseudonyme de l'infâme imposteur qui a osé révéler les petits secrets de la communauté!


Miss Buncle est un personnage comme on aime en suivre. Reléguée au second plan pour n'avoir rien de particulier à offrir, si ce n'est une forme de bienveillance qui passe inaperçue, elle va trouver bien malgré elle le moyen de s'émanciper, et se découvrir un don indéniable pour l'écriture, et notamment la comédie. On lui regrette parfois un côté un peu naïf et ridicule, mais c'est aussi ce qui fait le charme de ce roman. D.E. Stevenson traite son héroïne de la même façon dont celle-ci traite les habitants de Silverstream, avec drôlerie et honnêteté, en s'en moquant avec tendresse. Barbara ne se prend pas au sérieux, et ne fait jamais preuve de malveillance à l'égard de ses voisins. Elle rit gentiment des défauts et des qualités de chacun, sans porter de jugement si ce n'est celui de l'oeil amusé. Mais vous vous en doutez, la publication du roman est loin d'être au goût de tout le monde, et particulièrement à celui de la redoutable Mrs Featherstone Hogg (what a name!) qui feint de ne reconnaître aucune ressemblance entre Silverstream et Copperfield tout en se jurant de faire interdire le roman ! 

Miss Buncle's Book est une vraie lecture de confort, charmante et intelligente qui aura en prime le privilège de vous faire rire. Que demander de plus ? Le seul petit hic est que le roman n'est pas traduit en français, et c'est bien dommage. Il est le premier tome d'une série que je verrais particulièrement bien dans le catalogue des éditions 10/18. Il n'y a donc plus qu'à croiser les doigts et espérer que l'auteur attire l'oeil d'une maison d'édition française.

J'espère que ce billet vous a plu car il y a un autre roman du même genre dont j'aimerais également vous parler, qu'en pensez-vous ?

mardi 26 janvier 2016

Les Outrepasseurs

Je viens de terminer le dernier tome de la trilogie des Outrepasseurs de Cindy Van Wilder que j'avais commencée il y a déjà quelques mois. Une fois le deuxième volet ouvert, je n'ai pu qu'enchaîner avec le dernier tome. Ces deux derniers volumes se sont révélés hautement addictifs !


Résumé (sur base du premier tome - pas de spoilers) :
Un soir, alors qu'il rentre chez lui, Peter est victime d'une attaque. Sauvé de justesse par sa mère, il est emmené dans un endroit à l'atmosphère étrange, Lion House, où on lui révèle qu'il appartient à une société secrète appelée Les Outrepasseurs. Sur place, il fait la connaissance d'autres adolescents qui découvrent en même temps que Peter ce nouveau monde dont ils n'avaient jusqu'alors jamais soupçonné l'existence. Ils rencontrent également le chef de cette étrange association : Noble, que tous nomment cérémonieusement Monseigneur, y compris la mère de Peter, Hermeline, qui lui semble être totalement soumise. L'homme a une apparence terrifiante qui ne se dégage pas uniquement de sa présence écrasante, mais aussi de son visage défiguré dévoilant une âme de guerrier qu'il faudrait être sot pour défier. Noble indique à la nouvelle génération, les héritiers, qu'ils sont sur le point de subir une épreuve d'initiation à l'issue de laquelle sera décidée leur appartenance ou non au monde des Outrepasseurs. Cette appartenance sera alors scellée d'un serment d'allégeance aux lois qui régissent la société secrète, mais surtout à son redoutable maître.

Je ne pense pas qu'il soit utile de vous en dire plus pour éveiller votre intérêt. Et ce que je peux vous confirmer, c'est que l'ensemble de la trilogie s'avère aussi prenante que les prémices de l'histoire qu'elle renferme. Le monde des Outrepasseurs est un monde dans lequel il est passionnant de se plonger, qui ne souffre d'aucun temps mort et qui jouit d'une maîtrise de narration au rythme imparable, et plutôt cruel, pour nous, lecteurs en soif d'aventures se retrouvant obligés de reposer notre lecture pour pallier aux banales exigences de notre condition de mortel.

Si le premier tome présente toutes les caractéristiques d'un tome introductif, principale reproche qui a été formulée à son égard d'ailleurs, il n'en est rien des deux volumes suivants qui libèrent le flot narratif dont l'auteur nous avait jalousement dissimulé la teneur mais dont on ne manquait pas de percevoir la force. C'est d'ailleurs ce que j'avais beaucoup aimé à la lecture du premier tome; cette impression de tenir en main toutes les clés d'un mystère dont je ne comprenais pas encore le contenu mais dont je percevais le très haut potentiel.

Nous sentons de suite que l'histoire que vivent nos héros sera partie intégrante de l'Histoire des Outrepasseurs, et qu'elle ne sera pas reléguée au rang d'anecdotes dont pourront se délecter les futures générations de guerriers. D'où bien entendu l'importance du premier volume qui pose des bases essentielles à toute l'histoire que tisse ensuite Cindy Van Wilder. Une histoire sombre et sans pitié, à l'image des personnages qui en sont à l'origine. A travers les épreuves et les décisions auxquelles elle soumet ses personnages, l'auteur analyse les tréfonds de l'âme humaine en montrant comment ce qui était à la base une malédiction a été transformée en une force redoutable; et comment celle-ci a façonné les âmes de ceux qui en détenaient les rennes pour petit à petit leur faire oublier la fine frontière séparant le bien du mal. Cependant rien n'est manichéen ou trop facile dans la façon dont l'auteur aborde ces sujets. Peter lutte davantage contre une institution et un système que contre une personne en particulier. Même si Noble en est l'incarnation et que le jeune homme lui voue une haine sans répit; en nous donnant un aperçu de ses pensées, l'auteur nous parle du poids des traditions et de cette soumission aux règles d'un système aussi bien rôdé que celui des Outrepasseurs dont la remise en question entraînerait pour ses plus fervents défenseurs un séisme au sein d'un système de valeurs perpétué depuis de nombreux siècles. Comme je le disais déjà dans mon billet sur le premier tome, rien n'est blanc, rien n'est noir, et chaque personnage oscille dans des nuances de gris tantôt claires, tantôt anthracites. Et c'est ce qui les rend encore meilleurs.

Un petit mot pour terminer sur l'écriture de Cindy Van Wilder qui donne une ambiance et un ton qui avalent l'histoire pour lui donner une forme autre, unique. Les romans ne seraient pas ce qu'ils sont sans la magie qu'elle y insuffle. On y retrouve cette ambiance glaçante, cruelle et sans pitié que l'on retrouve dans les contes dont elle manie les codes avec brio.

Lorsque j'ai refermé le dernier tome, je n'étais pas encore certaine de lui octroyer le coup de coeur. Mais je pense qu'après avoir écrit mes impressions, je ne pense pas qu'il soit encore nécessaire de me poser la question. En bref, si l'histoire vous tente, n'hésitez pas une seconde car cette trilogie figure parmi les plus réussies du genre.

jeudi 21 janvier 2016

Frances & Bernard (2)

17 janvier 2016, 20 heures.

Je viens de terminer ma lecture. Ce ne sera pas un coup de coeur comme auraient pu le laisser présager les premières pages du roman. Cependant, c'est une lecture que j'ai beaucoup aimée et que je recommande à quiconque serait tenté par le résumé que j'ai évoqué dans mon billet précédent (ci-dessous).


En s'écrivant, Frances et Bernard tentent de trouver un sens à la vie et au monde dans lequel ils évoluent. Ils cherchent à comprendre ce qu'ils attendent de leurs vies respectives, de leur amitié ou encore de leur carrière d'écrivains. L'écriture occupe d'ailleurs une place aussi grande que la religion dans ce roman épistolaire. Mon affection et mon admiration pour Frances sont restées présentes jusqu'à la fin. Si elle peut paraître froide au premier abord, on apprend ensuite à mieux la connaître. La voir évoluer au sein de son cercle familial la dévoile. C'est une personne chaleureuse qui gagne à être connue. Elle est forte, et ne plie pas sous les pressions qu'elle subit; elle reste maîtresse de ses décisions. La personnalité de Bernard se révèle aussi davantage. Je dirais qu'il est à l'image de la relation qu'il entretient avec Frances, caractérisée par des moments très hauts et très bas. Pour autant, il est parvenu à me toucher et m'émouvoir dans son incapacité à gérer et accepter la frustration qu'il éprouve de façon générale (dans sa foi, sa vie, ses relations,...). Bernard incarne la spontanéité et en un sens le chaos, alors que Frances se pose davantage du côté raisonné de leur relation.


Si j'ai adoré ce roman, je dois toutefois vous avouer que je me suis parfois sentie perdue dans certaines réflexions théologiques un peu trop pointues. Mais les lettres sont suffisamment courtes pour ne pas laisser trainer ces passages en longueur. Ce n'est jamais que l'histoire d'une ou deux pages par-ci par-là. Disons simplement que c'est ce qui lui a valu de ne pas lui octroyer le coup de coeur. 

Frances & Bernard est un texte intense et honnête. On y fait la connaissance de deux personnalités fortes et entières ; on y découvre également la façon dont une même passion peut être vécue de façon totalement opposée par deux personnes ne disposant pas du même arsenal de défense face à son intensité. C'est beau, et c'est tellement bien écrit.

mercredi 20 janvier 2016

Frances & Bernard (1)

17 janvier 2016, 14 heures.

Je suis plongée dans un roman épistolaire intitulé Frances & Bernard qui me plait énormément. Suivre la correspondance entre ces deux personnages est une vraie gourmandise littéraire; le style de Carlene Bauer est un régal. Un peu ampoulé parfois, mais pas suffisamment pour que ça ne devienne un défaut. Ca lui donne plutôt un petit plus, comme lorsque l'on cuisine, et que l'on rajoute une épice au dernier moment à notre préparation, et que l'on devine rapidement que la saveur du plat dépendait invariablement de ce geste.


J'en suis pour l'instant à la moitié et j'éprouve une admiration folle pour Frances, une jeune femme pleine d'énergie souhaitant devenir écrivain, ou plutôt souhaitant vivre de sa plume, car écrivain, elle semble déjà l'être. Frances rejette les conventions sociales et refuse entre-autres le mariage, soucieuse de garder sa liberté et de pouvoir cultiver comme bon lui semble cette solitude qui lui est si précieuse. Sa volonté est incomparable. C'est le genre de personnage dont on a l'impression qu'il peut tout faire, pourvu qu'il en ait décidé ainsi. Et c'est ce qui ressort de Frances. Ce qu'elle fera et la façon dont sa vie se déroulera seront les résultats de ses choix - du moins ceux sur lesquels elle peut exercer une certaine maîtrise.


Lors d'un atelier d'écriture, elle rencontre Bernard, poète et professeur à Harvard. Il a un petit côté manipulateur, qu'il tire probablement de l'assurance issue de son parcours professionnel et du milieu social dans lequel il a été éduqué. Il aurait pu rapidement nous agacer, mais Carlene Bauer donne au personnage plusieurs dimensions qui nous le rendent sympathique et touchant. D'autant qu'il ne rate pas une occasion pour se moquer de lui-même, sans que cela passe pour de la fausse modestie. C'est sa façon à lui d'exposer ses doutes et ses peurs.

Entre eux, une amitié intellectuelle se noue, pour ensuite évoluer vers quelque chose de plus tendre, et de plus précieux; une amitié sincère. La religion occupe une place importante dans les échanges entre Frances et Bernard, mais elle est abordée d'un point de vue intellectualisée, avec un recul qui en allège un peu la lourdeur. Cet aspect s'estompe par la suite pour ouvrir la conversation vers des sujets plus vastes, mais toujours avec une dimension intellectuelle. J'ai parfois eu l'impression de patauger face à certaines références, mais il en ressort toujours une idée intelligible de laquelle chacun comprend et retire ce qu'il souhaite.


Je pense que la grande qualité de l'auteur est d'avoir réussi à trouver le juste équilibre entre le côté énonciatif de certaines idées et celui plus humoristique des anecdotes personnelles. Pour l'instant, je me délecte de chacune de leurs lettres. Comme tout bon roman épistolaire, il est difficile de freiner la course. On a toujours envie de se plonger dans la lettre qui suit.

Je vous laisse sur un extrait qui m'a de suite fait apprécier le personnage de Frances. Il est assez drôle et évoque assez bien certains aspects de sa personnalité. Le passage arrive au cours des tous premiers échanges, pas de révélations majeures à craindre, donc.
"Je dois aussi ajouter qu'adolescente, j'ai eu le béguin pour Cary Grant, ce n'était pourtant pas mon genre de m'éprendre de vedettes de cinéma, mais plutôt celui de ma soeur, qui avait une photo de Tyrone Power sur sa commode. A vrai dire, Grant semblait sorti d'un roman plutôt que d'un studio d'Hollywood. Qu'est-ce qui fait son charme ? C'est un homme raffiné, qui peut glisser dans le ridicule sans que cela n'éclipse son raffinement. Bref, je serai franche : j'ai encore un faible pour Cary Grant. Il se pourrait qu'il soit le ciment dans ma relation avec ma tante Peggy. Elle dira à haute voix par-derrière son journal, comme si elle lançait une invitation à tous ceux qui sont dans la pièce et pas juste à moi : "On passe Elle et Lui au Riz." Ce à quoi je répondrai de derrière mon bouquin "A quelle heure ?" et  nous filerons illico vers le Ritz comme des femmes à qui l'on a dit que leur idole serait là en chair et en os."


mardi 19 janvier 2016

Welcome book lover. You are among friends.


Je me sens un peu nostalgique ce soir, alors comme souvent, je pense à ma belle Londres. J'aurais aimé passer une partie de ma soirée dans les rayons de Foyle's. Alors je suis allée farfouiller sur internet à la recherche de photos (voyez que je choisis toujours l'option la plus saine et raisonnable). J'ai bien entendu décidé de les partager avec vous. Ne me remerciez pas. Vous n'êtes pas sans savoir, mes chers, que je n'ai d'autres intentions à vos égards que celles de vous soumettre à la tentation.



La librairie Foyle's existe depuis 1903. Elle a changé trois fois d'adresse, mais elle demeure sur Charing Cross Road depuis 1906. En 1930, la fille du fondateur, Christina Foyle, a mis en place les déjeuners littéraires qui existent encore aujourd'hui. Ils ont accueilli de nombreux auteurs ainsi que des célébrités du monde artistique, politique, militaire ou encore médiatique. Tous les premiers ministres anglais depuis la Seconde Guerre Mondiale y ont pris part à plusieurs reprises.



A la fin de l'année 2014, Foyle's déménage après avoir occupé ses anciens locaux pendant plus d'un siècle, de quoi faire rêver. La librairie réouvre dans un bâtiment voisin, toujours sur Charing Cross, avec une architecture beaucoup plus moderne. Mais Foyle's garde son aura, et on y retrouve toujours la même effervescence et atmosphère. C'est juste plus blanc, et plus spacieux, mais il fait toujours aussi bon de s'y perdre. Vous pouvez vous en faire votre propre idée avec toutes ces photos...



Je peux vous dire que lorsqu'on lit une telle phrase à l'entrée, on a presque envie de verser sa petite larme ; nous sommes enfin arrivés en Terre Promise. Ce que j'aime cette librairie... Mais je dois vous avouer que j'ai aussi un gros faible pour Hatchard's sur Picadilly. Plus intime, et délicieusement british, avec ses carpettes à motifs, son chesterfield usé et son grand escalier en bois. Pour un prochain billet peut-être ? Comme je rêve d'y retourner ! Il me faut faire preuve d'une volonté sans relâche pour ne pas réserver un billet de train tout de suite. Mais n'est-ce pas ce délicieux Oscar Wilde qui disait que le meilleur moyen de résister à la tentation était d'y céder ? Qui suis-je pour le contredire... Belle soirée à vous, dearest book lovers.

lundi 18 janvier 2016

Adam et Thomas

Adam et Thomas ont tous les deux neuf ans. Il sont juifs et leur monde est devenu dangereux pour eux. Pour les protéger, leurs mères les envoient se cacher au sein de la forêt proche de leur ghetto. C'est là que les deux enfants se rencontrent et commencent à partager un quotidien difficile auquel ils font face avec les armes qu'ils ont chacun reçues de leur éducation.

Adam est un enfant optimiste et rêveur, prêt à laisser entrer le merveilleux et l'inexplicable. Thomas a quant à lui un imaginaire différent, fait de mathématique et de vérités empiriques. Ses pensées sont plus sombres, et il est plus enclin à s'apitoyer sur son sort, ce qui, nous sommes d'accord, est tout à fait compréhensible vu la situation.

Quand on rencontre quelqu'un, c'est signe qu'on devait croiser son chemin, c'est signe que l'on va recevoir de lui quelque chose qui nous manquait (p21).
Je pense souvent qu'il en est de même avec les livres, pas vous ?


Adam & Thomas d'Aharon Appelfeld est un conte initiatique ; ces deux enfants vivent des choses extrêmement difficiles pour leur âge. Adam est débrouillard et connait la forêt comme sa poche. Sa foi en la vie est contagieuse. Leur amitié et leur courage les aideront à survivre durant ces nombreux mois de repli sauvage pour faire face à leurs peurs et au sentiment d'abandon qu'ils gèrent chacun différemment.

Au-delà du contexte historique et de leur situation difficile, il s'agit surtout d'un roman qui laisse la parole à deux enfants qui tentent de comprendre le monde dans lequel ils vivent. C'est un livre plein de charme et de poésie ; caractéristiques que les superbes illustrations de Philippe Dumas ne manquent pas de mettre en avant. J'ai été enchantée de retrouver son coup de pinceau qui m'avait déjà emportée dans le merveilleux Miss Charity de Marie-Aude Murail.
On nous a envoyés dans la nature pour qu'on puisse apprendre directement d'elle, et grandir (p48).

dimanche 17 janvier 2016

Younger

Younger a repris ! La saison 2 démarre avec un double épisode que j'ai beaucoup aimé. Si vous n'avez pas encore découvert cette sitcom pleine de charme, et drôle sans en faire trop, je vous la recommande. C'est 20 minutes de pep's à chaque fois, dans un décor new-yorkais qui laisse rêveur... J'avais déjà adoré Sutton Foster dans Bunheads, c'est un plaisir de la retrouver ici, aux côtés notamment d'Hilary Duff. L'année dernière, j'ai marathoné la saison 1, et c'est ce qu'il y a de bien avec les sitcoms aux saisons courtes, on peut les dévorer en une seule soirée !


La série est centrée autour de Liza, la petite quarantaine et récemment divorcée, alors qu'elle part à la recherche d'un emploi, après avoir mis sa carrière entre parenthèses pour élever sa fille. Son âge et son manque de connaissance des nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux, lui valent rejet sur rejet. Un soir où elle cherche une issue à son problème, sa meilleure amie lui fait remarquer qu'elle fait très jeune pour son âge et qu'elle pourrait facilement passer pour quelqu'un dans la vingtaine...



Elle est embauchée comme assistante dans une maison d'édition, ce qui ne manque pas d'ajouter un gros plus à l'univers de la série. Le lieu de travail de Liza ainsi que sa "nouvelle" carrière occupent une place prédominante, et même si rien n'est à prendre au pied de la lettre (n'oublions pas que nous restons dans une sitcom), c'est passionnant de voir comment fonctionne (un peu) le milieu de l'édition américain : les différents départements, la chasse aux auteurs, les projets qui rapportent et ceux qui passionnent, la course pour obtenir les droits des manuscrits... Les sujets abordés sont très récents, et on découvre en image et autour de petites intrigues drôles et intelligentes la façon dont l'industrie éditoriale utilise ces nouveaux outils que sont les réseaux sociaux (et pas forcément dans le mauvais sens). On parle même de Goodreads ! Bref, c'est très sympa, et bien écrit. La série a déjà été renouvelée pour une saison 3.



samedi 16 janvier 2016

A true friend is a light in the dark

J'ai terminé hier soir The secret keeper de Kate Morton. Je pense que ce livre sera mon premier coup de coeur de 2016, c'est en tout cas la sensation qui m'habite depuis que j'ai tourné les dernières pages. J'ai tout aimé dans ce livre : les personnages, l'atmosphère, l'histoire bien ficelée et la façon dont l'auteur a construit son récit. Même si j'en avais deviné certains éléments, je n'en ai pas moins apprécié le dénouement final. Kate Morton a vraiment un don pour raconter des histoires, je me souviens avoir eu la même impression en refermant il y a quelques années Les heures lointaines que j'avais trouvé bon, mais clairement en-dessous de The secret keeper.


Alors que l'on navigue entre 2011 et 1941, nous partons à la découverte de personnages formidables et de leurs destins poignants. Petit à petit, les deux époques se rejoignent, les personnages s'entrecroisent et révèlent peu à peu l'intensité du lien qui les unit. Personnellement, je suis tombée totalement sous le charme du personnage de Vivien, dont on ne fait la connaissance que plus tardivement dans le récit. Il y a aussi Dorothy et sa personnalité particulière, sans oublier Laurel avec laquelle on ne rechigne jamais de partager nos impressions et théories au fur et à mesure que l'histoire progresse. J'ai adoré sa relation avec son petit frère Gerry et le lien simple et naturel qu'ils partagent. Et puis comment ne pas (re)mentionner Jimmy que j'ai déjà rapidement évoqué dans un de mes billets précédents. Kate Morton joue avec nos sentiments ; la perception qu'on a de chacun d'entre eux évolue au fil des chapitres et des révélations qu'elle distille parfaitement pour nous tenir en haleine, sans nous exclure de l'histoire. Les atmosphères sont très palpables et étoffent le récit sans l'alourdir. Je pense que c'est un peu le secret de l'auteur, un savant dosage de tout ce qui fait une bonne histoire du genre.

Pour ceux qui n'ont pas lu mes billets précédents, ou ceux qui veulent se rafraîchir la mémoire, je vous mets ci-dessous le résumé du roman en français qui est disponible en version poche sous le titre La scène des souvenirs.
Suffolk, 2011. La célèbre actrice Laurel Nicolson se rend au chevet de sa mère mourante. Alors qu'elles parcourent ensemble un album de famille, une photo s'en échappe – un instantané que Laurel n'a jamais vu. L'une des deux jeunes femmes est bien sa mère, Dorothy, mais l'autre ? Sans s'en douter, Laurel vient d'ouvrir la boîte de Pandore, libérant les secrets, et les souvenirs. Ceux de Dorothy, qui dorment sous les décombres des bombardements londoniens de 1941, mais aussi les siens – ce terrible et brûlant été de son enfance. 

vendredi 15 janvier 2016

Seaside reading

Ce weekend, je pars à la mer. Un peu d'air pur, des balades si le temps le permet, et surtout de la lecture. J'ai bientôt terminé mon livre en cours, je suis donc allée farfouiller dans ma bibliothèque à la recherche de quelques titres susceptibles de me faire envie ces prochains jours. C'est quelque chose que j'adore faire, mais choisir, c'est aussi renoncer, et je dois bien avouer que c'est toujours extrêmement difficile de se limiter à un nombre raisonnable de livres à emporter ! Qui a dit que la vie de lectrice était facile ?



Voici ma petite sélection :

  • Frances et Bernard de Carlene Bauer 
  • Et je danse aussi d'Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat
  • Les Outrepasseurs - La reine des neiges (Tome 2) de Cindy Van Wilder
  • Adam et Thomas d'Ahron Appelfeld
  • La Source d'Anne-Marie Garat

5 romans : deux épistolaires, trois jeunesses, deux adultes, un fantastique. Parmi eux, il y a deux cadeaux de Noël et une suite de série. Je pense que ma mini-pal sera parfaite pour pallier à mes envies du weekend.


Et de votre côté, weekend livresque ou non ? Que lisez-vous ?

jeudi 14 janvier 2016

She wouldn't have been anywhere but London

Je suis toujours dans The secret keeper de Kate Morton et je suis de plus en plus sous le charme. Dans ce deuxième tiers, nous suivons presqu'exclusivement la vie de Dorothy à Londres en plein blitz. Elle occupe un poste de dame de compagnie auprès d'une Lady âgée dont la maison a été en partie réquisitionnée pour héberger des jeunes filles travaillant pour le service de guerre. Suivre le quotidien de Dolly, ses amour et amitiés et la voir faire des projets de vie dans un Londres sous les bombes est une vraie leçon d'optimisme et de courage. On découvre également un peu plus sa personnalité très particulière et ambigüe.


Nous faisons aussi la connaissance de son prétendant, Jimmy. Un charmant jeune homme passionné de photographie qui, en plus de sa participation à l'effort de guerre, use de toutes ses ressources pour s'occuper de son père qui n'a plus toute sa tête. On s'attache énormément à tous ces personnages et il est difficile de reposer le livre sans un pincement au coeur.


Je vous laisse avec un court passage :
In the beginning, Dolly had been afraid of the bombs like everybody else, but lately she found she rather liked being out in the Blitz (...) There was just something utterly invigorating about it, and Dolly experienced a curious lightness of heart, a feeling very like elation, as she scurried along the night-time streets. She wouldn't have been anywhere but London; this was life, this Blitz, nothing like it had ever happened before, and likely it never would again. 
Je termine ce billet par une pensée pour Alan Rickman. Comme beaucoup, j'ai été choquée d'apprendre la triste nouvelle... He will be missed. RIP.

mardi 12 janvier 2016

On Gilmore Girls

Cette automne, je me suis mise à re-regarder la série Gilmore Girls. Je suis en ce moment même au milieu de la saison 4. C'est un vrai bonheur de voir les Gilmore se tourner vers une nouvelle voie; Rory découvrant la vie universitaire, et Lorelaï réalisant enfin son rêve d'ouvrir sa propre auberge. C'est une de mes saisons préférées.


J'ai vu les premières saisons un nombre déraisonnable de fois, mais ça ne m'empêche pas de m'extasier à chaque épisode sur ces dialogues fabuleux et ces instants où rien ne semble se passer mais où tout se joue en arrière-plan, dans la construction de ces personnalités incroyables qui sont et resteront toujours pour moi des modèles d'inspiration. Il y a dans Gilmore Girls quelque chose qu'on ne retrouve dans aucune des séries actuelles, aussi nombreuses soient-elles. Lors du panel organisé autour de la série en juin dernier, Amy Sherman-Palladino confirmait le fait qu'une telle série ne verrait même pas le jour à l'heure actuelle. Je trouve ça tellement dommage. Surtout qu'au vu du succès que la série connaît aujourd'hui de par sa mise en ligne sur Netflix, il est difficile de trouver une raison valable à ce "manque" d'intérêt. Peut-être est-ce une façon de me consoler et d'arrêter d'attendre la nouvelle série qui m'apportera autant que l'a fait Gilmore Girls; mais je me dis qu'au fond, ce sentiment ne traduit qu'une seule vérité : cette série est et restera unique. Un petit bijou qu'on peut regarder et re-regarder sans jamais se lasser (malgré la fin ô combien frustrante).


Ce nouveau souffle que la série connaît a du bon car en octobre dernier, et pour le plus grand bonheur des fans qui attendaient ça depuis des années, il a été annoncé que Netflix avait commandé 4 nouveaux épisodes de 90 minutes. J'en aurais pleuré de joie. Peut-être même l'ai-je fait. Reste à savoir quand ils seront diffusés... Pour terminer ce billet d'humeur, je renvoie les plus grands fans d'entre vous vers la vidéo du panel dont je parle plus haut, un vrai régal de retrouver tout le cast et de les écouter parler de la série !



dimanche 10 janvier 2016

Sunday reading

Cette semaine, j'ai commencé The secret keeper de Kate Morton et je suis bien heureuse de l'avoir choisi car je pense que c'est le genre lecture qu'il me fallait en ce début d'année gris et pluvieux. Un bon gros pavé dans lequel s'immerger.


Nous y suivons Laurel alors qu'elle s'interroge sur le passé de sa mère, et de la femme qu'elle a été avant qu'elle ne devienne celle qu'elle, ses soeurs et son frère ont toujours connue. Une photographie qu'elle trouve dans un livre et le souvenir d'un épisode traumatique non résolu vécu durant son adolescence tourmentent notre héroïne. Laurel cherche des réponses, celles qu'elle n'a jamais eues. Elle se retrouve alors à reconstituer les années que sa mère a passé à Londres en plein blitz.


J'ai passé le premier tiers du livre, et je m'y plais beaucoup. Il y a beaucoup d'allers-retours dans le passé, entre celui de Laurel, de sa mère et le présent de ces dernières. L'écriture de Kate Morton est fluide et les pages se tournent les unes après les autres. L'ambiance est délicieusement vintage, et je retrouve le plaisir de lecture que j'avais eu en lisant Les heures lointaines il y a quelques années.

Et vous, que lisez-vous en ce moment ?

samedi 9 janvier 2016

Mes meilleures lectures de 2015

En 2015, j'ai lu 72 livres dont 11 bandes-dessinées. Dans l'ensemble, je suis très satisfaite de mon année de lecture qui n'a pas compté beaucoup de déceptions. J'ai eu pas mal de coups de coeur comme Le manoir de Tyneford de Natasha Solomons ou encore Manderley for ever de Tatiana de Rosnay. Deux livres que j'ai absolument adorés et que je vous recommande sans hésiter.


 

En tout début d'année, j'ai découvert Morwenna de Jo Walton qui fut un gros coup de coeur également. Et même chose pour Charlotte de David Foenkinos. J'ai d'ailleurs eu l'immense chance de recevoir l'édition illustrée à Noël cette année. Une relecture va s'imposer en 2016. 

 


Ma grande découverte de 2015 aura été la splendide écriture de Jacqueline Harpman avec La plage d'Ostende. Ce roman fut une sacrée lecture et je compte bien lire un autre roman de l'auteure en 2016. La sortie du nouveau livre de Joël Dicker était "mon" petit évènement de la rentrée littéraire. Le livre des Baltimore a totalement répondu à mes attentes. Addictif, bien construit et peuplé de beaux personnages.


Cet été, j'ai enfin découvert Fried green tomatoes at the Whistle Stop Cafe, un roman qui s'ajoute lui aussi à la liste. Plus connu chez nous sous le titre Beignets de tomates vertes, ce roman de Fannie Flagg vous fera voyager d'une époque à l'autre dans l'atmosphère unique du sud des Etats-Unis. Drôle et touchant. Dans la même veine, j'ai dévoré et adoré Le secret de la manufacture de chaussettes inusables d'Annie Barrows. Deux romans dont les atmosphères se ressemblent mais qui se démarquent par leur histoire et leurs personnages attachants.


A l'automne, je me suis tournée vers un roman qui me faisait envie depuis longtemps et qui, j'en étais certaine, allait beaucoup me plaire et me faire rire ! On reste toujours dans une ambiance vintage, mais cette fois, place à la comédie. Miss Buncle's Book de D.E. Stevenson est un vrai régal ! On y suit les pérégrinations de Barbara Buncle alors que celle-ci écrit un livre dont les personnages principaux ne sont autres que ceux qu'elle rencontre au quotidien dans sa petite bourgade, Silverstream. Je vous laisse imaginer le chaos que la publication du livre va entraîner ! Et puis pour terminer, en cette fin d'année, mon attention s'est portée vers un roman dont l'action se déroule sur une île écossaise fictive où on tente de lever le voile sur la disparition d'un auteur de polar lui aussi inventé de toutes pièces. Juste avant l'oubli d'Alice Zeniter a été une de mes plus belles lectures en cette fin d'année. 


En jeunesse, je retiens trois titres : Broadway Limited - Un dîner avec Cary Grant de Malika Ferdjoukh, Le mystère de Lucy Lost de Michael Morpurgo et Aristotle and Dante discover the secrets of the universe de Benjamin Alire Saenz. Ils sont tous les trois très différents les uns des autres mais je les ai tous adorés, avec une préférence (pas du tout prévisible) pour Broadway Limited.


J'ai fait de très belles découvertes en bandes-dessinées cette année, mais celle qui a tiré son épingle du jeu a incontestablement été California Dreamin' de Penelope Bagieu



Et vous, quels sont les romans/bandes-dessinées qui ont marqué votre année ?



jeudi 7 janvier 2016

Juste avant l'oubli

Aujourd'hui, je vous parle de Juste avant l'Oubli d'Alice Zeniter, un roman que j'ai lu à la fin de l'année dernière et qui m'a énormément plu.

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Le roman commence alors que Franck rejoint Emilie sur Mirhalay, un île perdue des Hébrides écossaises. Celle-ci vient de commencer une thèse sur Galwin Donnell, un auteur de polar très réputé autour de la mort duquel plane encore aujourd'hui un mystère qui ne manque pas d'abreuver les théories des chercheurs. Tous les trois ans se tiennent sur Mirhalay, l'ile où l'écrivain a vécu et disparu, des Journées d'Etudes consacrées à l'auteur. Au cours de celles-ci, les intellectuels se font mousser autour de diverses théories et analyses qui n'ont pour seul but que d'étoffer leurs égos respectifs.

En nous racontant l'histoire de Franck et Emily, Alice Zeniter dresse une toile de réflexions sur le couple, les relations humaines, et notamment cette idée selon laquelle l'être humain a besoin d'un "témoin" à sa vie afin d'en faire quelque chose de tangible - une idée qui prend encore davantage son sens dans le succès que connaissent aujourd'hui les réseaux sociaux. Elle nous parle aussi de la solitude, des obsessions de certains qui deviennent les cauchemars des autres, du statut de l'écrivain et celui de lecteur, sans oublier le milieu universitaire et ses préoccupations parfois vaines dont elle tire un portrait délicieusement amer. Les nombreux sujets abordés ainsi que sa construction unique font de Juste avant l'Oubli un roman difficile à classer.

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Le roman se partage en effet entre toute une série d'éléments différents qui s'imbriquent et se font écho les uns aux autres. L'auteur nous parle d'un couple en fin de vie, mais aussi de la vie insulaire et des réalités les plus bouleversantes que celle-ci implique. Elle nous plonge dans des interviews factices d'un écrivain qui n'a jamais existé, écrivain dont elle cite à de nombreuses reprises des passages de romans. Mirhalay sort elle aussi de l'imagination de l'auteur. Pourtant au fur et à mesure qu'on avance dans notre lecture, on y croit. On y croit tellement qu'on se surprend à s'interroger sur l'exacte position de cette île à l'histoire glaçante, et à se dire qu'on aimerait nous aussi nous faire notre propre idée sur l'univers de Galwin Donnell. Peut-être est-il publié chez Babel Noir ? Le livre emprunte même parfois le genre des romans de Donnell en adoptant à plusieurs reprises des allures de polar. Savoureusement inclassable.

Le ton est audacieux et désabusé, noirci pile comme je l'aime. Les réflexions apportées par l'auteur ne laissent certes pas beaucoup de blancheur à l'âme humaine, mais c'est surtout une forme d'honnêteté qui ressort de notre lecture. Comme une volonté de nous donner des pistes plutôt que de pointer honteusement du doigt. C'est subtil, savoureux et particulièrement novateur. Et c'est parfait pour cette période grise et pluvieuse.

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Un court passage que j'aime beaucoup :

Il comprit pourquoi Jock, écrasé par la magie de Mirhalay dont il se sentait le seul dépositaire, n'avait jamais pu se décider à abandonner cet endroit. Il comprit, enfin, à quel point la vie ici avait pu être une prison pour le gardien et sa famille du seul fait que l'ailleurs n'offrait rien de comparable.