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jeudi 5 mars 2015

Curtain Call

Il y a des livres auxquels il n'est pas possible de résister, et cela, en dépit de la meilleure volonté du monde. C'est un peu comme s'il vous appelle, vous crie de l'emporter et vous assure que vous allez aimer ce qu'il aura à vous raconter. C'est un peu ce qui s'est passé pour moi avec Curtain call d'Anthony Quinn. J'ai fait plusieurs librairies lorsque je suis allée à Londres le mois dernier, et je l'ai vu dans chacune d'entre elles. Il était présenté sur les tables aux côtés d'autres nouveautés, avec cet air semi-discret et sa couverture superbe. Je l'ai pris, reposé, repris et reposé. Et puis ma carte de fidélité Hatchard's m'a valu un bon de 20£, donc j'y suis retournée deux jours plus tard, et j'ai craqué. Sur le trajet du retour, j'avais prévu de commencer le sixième tome d'Harry Potter, mais la batterie de ma liseuse était à plat (oui, c'est bien une chose qu'on ne peut reprocher au papier), et le seul livre qui était à portée de main dans le train, et bien c'était celui-ci. Donc je l'ai commencé, et je ne l'ai plus reposé.

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L'histoire commence alors que Nina Land, actrice du West End, interrompt accidentellement une tentative de meurtre dans un hôtel de Londres. N'étant pas censée se trouver là à ce moment précis, et surtout pas accompagnée d'un homme marié, elle décide de taire la scène avant de revenir sur sa décision : et si ce mystérieux agresseur était le "tie-pin killer" que la police ne parvient pas à arrêter ? En parallèle, nous faisons la connaissance de l'extravagant Jimmy Erskine, critique de théâtre réputé, égocentrique et désinvolte, avec un sérieux penchant pour la boisson et les escapades nocturnes en compagnie de jeunes hommes. Sa peur constante de vieillir le conduit à mener une vie toujours prête à basculer, et ça aurait déjà été le cas sans la bienveillance de Tom, son secrétaire, qui lui aussi cache un secret. Mais il est contraint de le partager avec Madeleine, cette même jeune femme venant d'échapper aux griffes de son agresseur grâce à l'intervention inattendue d'une jeune actrice...

J'aime beaucoup ces romans où les destins s'entremêlent, nous dressant le portrait d'un microcosme sociétal qu'il est particulièrement plaisant de suivre. Si le résumé du livre suggère une intrigue entièrement construite autour de la résolution d'un meurtre, il n'en est rien. Certes, la traque du tueur fait partie intégrante du livre, mais elle se révèle surtout être un prétexte à la rencontre de plusieurs personnages aux passifs et intérêts différents. Cela est dû au fait que nous ne suivons pas un enquêteur en particulier (qu'il soit policier ou amateur) mais bien une flopée de personnages touchés de près ou de loin par cette affaire. Le point de vue de l'auteur est omniscient mais chacun des chapitres se concentre sur un personnage en particulier, nous permettant ainsi d'en apprendre plus sur ces derniers. Certains personnages sont plus creusés que d'autres. Pour ma part, j'ai particulièrement aimé suivre les pérégrinations de Jimmy, qui se révèle être un specimen du genre humain particulièrement réussi dans tout ce qu'il a de plus complexe, ne répondant à aucun qualificatif définitif et toujours sur le point de nous décevoir ou de nous attendrir.

Curtain call n'est pas qu'un roman à intrigue ou à personnages. C'est aussi un roman qui dresse le portrait d'une société particulière : celle du West-End londonien de la fin des années 30 et de tous les enjeux définissant ses acteurs. La gloire éphémère, la peur du lendemain, l'homosexualité, la prostitution de luxe ou encore le fascisme anglais de l'époque,... 

En résumé, je vous conseille vivement ce roman qui fut une superbe découverte pour moi. Alors que je n'en attendais pas plus qu'un cosy mystery, il s'est révélé être bien plus. Anthony Quinn a une plume délicieuse et addictive. Il fait planer une atmosphère angoissante bien particulière au-dessus de ses personnages, nous faisant nous interroger sans cesse sur la façon dont la tension dramatique va se dénouer.

Un extrait :

"Jimmy read it through again. He loved the way his prose fell into place. He was also rather sick of it. Forty-odd years of theatre-going, at least thirty of them spent writing about it, was bound to blunt your edges. True, with experience had come a certain godlike assurance: it was impossible to avoid the feeling that his critical verdicts were consistently and remarkably 'right'. What use in being a critic otherwise ? The problem was in finding different ways of saying the same thing over and over again (...). Reading through the proofs of his latest collection of reviews, he had been aghast at the way the same phrases - jokes - aperçus - infested his paragraphs like bothersome weeds (...). Change ? He would if he had the time. But he was too busy attending the plays, or reading the books, or writing half a dozen other articles at once to finesse every last word. Deadlines massed overhead each week, like ravens pecking on the roof. His memory, capacious as it was, couldn't always identify the same amusing 'jeu d'esprit' he had essayed six months before."

Curtain call, Anthony Quinn, Jonathan Cape London, 326 p.


10 commentaires:

Chicky Poo a dit…

Je ne connais pas cet auteur du tout mais ton avis donne envie. J'aime l'idée d'un "microcosme sociétal", peut-être que je me trompe complètement, mais j'ai l'impression que ça pourrait se rapprocher de "Une place à prendre", pas forcément dans l'écriture, mais dans la fable sociétale. Enfin c'est ce que ton billet donne comme impression. Je sais pas si j'interprète bien ou trop ^^

Shelbylee a dit…

J'avais déjà lu le résumé qui me tentait bien, mais là je le note dans ma wish-list, il me fait trop envie ! Merci pour cette découverte !

Natacha a dit…

Je ne connais pas cet auteur mais j'ai très envie de découvrir ce roman maintenant ! Merci pour cet article complet ^^

Emy a dit…

Contente que tu sois tentée ! Je ne connaissais pas du tout cet auteur moi non plus, je ne regrette pas de m'être laissée tentée ! Et merci pour ton commentaire :-)

Emy a dit…

Je suis curieuse d'avoir ton avis si tu le lis un de ces jours :-)

Emy a dit…

Je ne connaissais pas du tout l'auteur non plus, et je suis bien contente de l'avoir découvert ! C'est assez difficilement comparable mais si je devais le faire je dirais que "Une place à prendre" est bcp plus détaillé, et moins tendre avec la nature humaine. L'auteur est plus clément avec ses personnages ici que JK Rowling l'est dans son roman. Merci pour ton commentaire, toujours un plaisir de te lire !

Melleaurel a dit…

Ahhhhhh ! Il me le faut et hop, je vais le mettre dans ma wishlist sur Goodreads ! Je suis obligée ! ;)
Merci pour la découverte !

trillian1 a dit…

je note le titre, ton avis me tente, à ma prochaine visite londonienne peut etre!

Emy a dit…

Dis-moi si tu craques ;-)

Emy a dit…

De rien ! My pleasure ;-)